Le témoignage silencieux
Le témoignage silencieux
C’est un titre surprenant. Mais je l’aime bien! Il me rappelle cette parole de Jésus : « Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards » (Lc 17.20). C’est un titre qui ferait plaisir aux timides et aux craintifs. Mais mon objectif n’est pas d’encourager à la timidité ou à la crainte, vous allez voir.
1. L’Évangile sans paroles⤒🔗
Mon objectif est de rappeler qu’on ne « vend » pas Jésus comme des petits pains…
Cela me rappelle cette autre parole de Dieu à Samuel : « L’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur » (1 S 16.7). Le cœur… Le grand inconnu, le grand oublié!
« Lorsque je suis allé chez vous », dit Paul aux Corinthiens, « ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis allé vous annoncer le témoignage de Dieu. […] J’étais auprès de vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement […] afin que votre foi fût fondée non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1 Co 2.1-5).
Acceptons que la manière de Dieu soit différente de la nôtre. Et c’est la bonne! Mais cela nous surprend.
Souvenez-vous du procès de Jésus.
« Lorsqu’Hérode vit Jésus, il en eut une grande joie; car depuis longtemps il désirait le voir, à cause de ce qu’il avait entendu dire de lui, et il espérait qu’il le verrait faire quelque miracle. Il lui adressa beaucoup de questions. »
Quelle merveilleuse occasion! « Mais Jésus ne lui répondit rien » (Lc 23.8-9).
Pourtant, Jésus lui-même avait dit :
« Quand on vous livrera, ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à l’heure même; car ce ne sera pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10.19-20).
On ne vend pas Jésus comme des petits pains. « Jésus ne lui répondit rien. »
Est-ce que cela aurait un rapport avec cette autre parole étonnante de Jésus : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux… » (Mt 7.6). Étonnant, oui; mais c’est là.
Ce n’est donc pas toujours le moment de parler. Rappelons-nous la recommandation de Pierre aux épouses chrétiennes : « Soyez soumises à vos maris, afin que, si quelques-uns n’obéissent pas à la Parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leur femme » (1 Pi 3.1). Sans parole.
Cela signifie, me semble-t-il, que parfois les paroles sont inutiles. Et même qu’elles peuvent gêner! Vous voyez qu’il n’est pas, là, question de timidité ou de crainte. Il est question de ce que Paul appelle « une démonstration d’Esprit et de puissance » (1 Co 2.4).
Tout cela a donc un rapport avec l’action de l’Esprit et avec le cœur. Mais nous connaissons si peu la dimension de l’un et de l’autre…
Ces remarques nous rappellent que, sans Christ, nous ne pouvons rien, y compris avec la meilleure volonté du monde (Jn 15.5). Si, nous pouvons faire de grosses bêtises. Comme Pierre quand il s’écrit devant Jésus : « À Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t’arrivera pas » (Mt 16.22). Pourtant, c’était une bonne idée.
Frères et sœurs, laissons les bonnes idées à ceux qui ne connaissent pas le Seigneur! Ce n’est pas comme cela que le Royaume de Dieu est annoncé. Ce n’est pas comme cela que nous sommes appelés à témoigner. Ce n’est pas comme cela que l’Église va grandir.
2. Donner le goût←⤒🔗
Je voudrais vous poser une question. Que feriez-vous si on vous demandait d’expliquer à quelqu’un ce qu’est le goût d’une tarte au citron? Ou d’une fraise, tout simplement? Vous seriez bien ennuyé. Vous voyez que les paroles ne sont pas toujours bien utiles. Par contre, si vous avez une fraise dans votre panier et que vous la donniez à celui qui est devant vous, il comprendra très vite! Sans parole.
Quand Jésus dit à ses disciples : « C’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre » (Mt 12.33), ne dit-il pas cela? « Si vous portez beaucoup de fruit, c’est ainsi que mon Père sera glorifié et que vous serez mes disciples » (Jn 15.8).
L’apôtre Jacques dit la même chose, avec d’autres mots : « Que sert-il à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres? » (Jc 2.14). Entendons bien qu’il ne s’agit pas d’œuvres mortes qui ne disent rien à personne. Ce que Jacques appelle les œuvres, c’est le fruit de la grâce dans la vie du chrétien (voir Ga 5.22).
Jean dira quelque chose de semblable dans sa première lettre : « N’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en action et en vérité » (1 Jn 3.18). Et encore : « Celui qui aime son frère [chrétien] demeure dans la lumière » (1 Jn 2.10). Que c’est beau!
Disons un mot sur la lumière, justement. Avez-vous déjà vu une lampe sur une table se mettre à parler? Et pourtant, « elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Vous êtes la lumière du monde », dit Jésus à ses disciples. « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes » (Mt 5.14-16). Une lumière, c’est silencieux. Et pourtant…
Avez-vous déjà entendu du sel faire le moindre bruit, émettre le moindre son? Et pourtant… « Vous êtes le sel de la terre! » (Mt 5.13).
Est-ce tout? Non. Paul dira aux chrétiens de Corinthe : « Nous sommes la bonne odeur de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent! » (2 Co 2.15). Une odeur, cela ne parle pas. Ou plutôt si, ça parle, mais sans bruit. Une odeur, ça parle et on s’en souvient longtemps; sans parole.
Juste après, Paul dit aux Corinthiens (qui n’étaient pas des chrétiens meilleurs que nous) :
« Vous êtes manifestement une lettre de Christ, écrite par notre ministère, non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs » (2 Co 3.3).
Tiens, revoilà l’Esprit Saint et le cœur. Une lettre, c’est silencieux, cela ne fait pas de bruit. Mais on peut la lire.
Frère et sœurs, est-ce qu’on peut vous lire? Les chrétiens peuvent-ils vous lire? Et que lisent-ils quand ils vous voient? Les non-chrétiens peuvent-ils vous lire? Et que lisent-ils? Nous sommes observés beaucoup plus que nous l’imaginons. Même les anges nous observent! (Ép 3.10).
3. Ce que je porte←⤒🔗
C’est pourquoi notre conduite compte plus que nos paroles. « Ayez devant les païens une bonne conduite », dit Pierre, « afin que là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres et glorifient Dieu le jour où il les visitera » (1 Pi 2.12). Attention : la bonne conduite, les bonnes œuvres ont évidemment une dimension morale, mais elles ne se limitent pas à une morale. Si je donne tous mes biens pour les pauvres sans amour, je n’ai ni odeur, ni couleur, ni saveur! (1 Co 13.3).
Par contre, si l’amour de Dieu est « versé dans mon cœur par le Saint-Esprit qui m’a été donné » (Rm 5.5), alors l’odeur de Christ est déjà là. « Nous sommes la bonne odeur de Christ. »
Ainsi, ce n’est pas tant ce que nous faisons ou disons qui compte. C’est ce que nous portons en nous. « Si ces choses sont en vous, elles ne vous laisseront pas oisifs » (2 Pi 1.8). « Ayez les uns pour les autres un amour ardent » (1 Pi 4.7).
Il s’agit de l’amour fraternel, c’est-à-dire de l’amour de Christ en nous pour nos frères. La bonne odeur de Christ. Ce n’est pas n’importe quoi. L’amour chrétien n’est pas un amour sentimental. Nous avons encore beaucoup à apprendre à ce sujet. Imaginez qu’un non-chrétien entre au milieu de nous. Normalement, il devrait voir tout de suite la différence (Jn 13.34-35).
L’exemple que je vais donner pourrait paraître décourageant, mais il ne le faut pas. Vous vous souvenez, quand Moïse est monté sur la montagne pour parler avec Dieu « comme un homme parle à un ami ». Quarante jours en présence de Dieu. Je ne pense pas qu’il y avait de lit douillet là-haut ni l’eau courante. Quand Moïse est descendu, il devait être épuisé, couvert de transpiration et de poussière. Mais la peau de son visage rayonnait; « et il ne savait pas que la peau de son visage rayonnait. Aaron et tous les enfants d’Israël regardèrent Moïse, et voici, son visage était rayonnant » (Ex 34.29-30). Il ne faisait donc pas semblant. Mais ce rayonnement était tel (cela avait aussi un rapport avec le cœur et l’Esprit Saint), que les Israélites « craignaient de s’approcher de lui ». Et Moïse devait mettre un voile sur son visage quand il était en présence du peuple. Paul évoque cela (2 Co 3) d’une manière qui nous concerne directement.
Et ici, je voudrais dire ceci : Frères et sœurs qui aimez le Seigneur, il se peut que votre visage rayonne déjà, sans que vous vous en rendiez compte. Mais les autres le voient. Et cela n’a rien à voir avec les mises en plis, le teint, les rides, la fatigue, la faiblesse. Au contraire peut-être. Oui, il se peut que votre visage rayonne déjà, quand vous vous êtes approchés du Seigneur, du trône de la grâce, quand vous avez remis devant vos yeux le Seigneur vivant et l’espérance qu’il nous a acquise, et la joie de la communion. Et vous ne le savez pas. Mais les autres le voient, chrétiens et non-chrétiens. C’est cela, le témoignage de l’Église.
Après, si on vous demande les raisons de cette espérance qui est en vous (1 Pi 3.15), vous pourrez le dire, bien sûr. Ce sera le Seigneur qui vous en donnera la force. Ne vous inquiétez pas.
« L’Esprit de vérité rendra témoignage de moi; et vous aussi vous rendrez témoignage » (Jn 15.26-27).