Jean Calvin - Théologien de la Réforme 1509 – 1563
Jean Calvin - Théologien de la Réforme 1509 – 1563
En juillet 1536, un jeune homme, au nez long et pointu, de figure pâle et portant une barbe noire bien taillée, arriva à Genève avec quelques compagnons de voyage. Il s’inscrivit dans une auberge sous le nom de Charles d’Espeville, se rendit directement à sa chambre, verrouilla la porte et s’assit, reconnaissant de pouvoir lire et se reposer. Il ne devait cependant pas en être ainsi, car à son entrée dans la ville, il avait été aperçu et reconnu par quelqu’un qui savait qu’il n’était pas Charles d’Espeville, mais bien plutôt Jean Calvin, un fugitif recherché par le roi de France.
Calvin était un réformateur protestant âgé de vingt-sept ans et auteur de L’Institution de la religion chrétienne, un livre expliquant les principaux enseignements de la Parole de Dieu. Les dirigeants de l’Église et de l’État condamnaient Calvin et ses écrits.
« Je ferais décapiter mon propre fils s’il venait à suivre ces hérésies », avait dit le roi François de France. Celui-ci avait ordonné l’arrêt, la torture et l’exécution des dirigeants protestants français. C’est pourquoi Calvin avait fui la France sous un faux nom. La route qu’il avait empruntée dans sa fuite l’amena à passer par Genève, en Suisse, une ville fortifiée de dix mille habitants qui venait récemment de voter en vue de devenir une ville protestante. Calvin était en train de s’installer pour la nuit lorsqu’on frappa à la porte de sa chambre d’hôtel. Il sursauta.
« Qui est là? », demanda-t-il. « Guillaume Farel », répondit une voix forte. Farel, prédicateur audacieux réputé, œuvrait dans le but d’amener la ville de Genève à abandonner les traditions de l’Église catholique romaine pour retourner aux enseignements des Écritures. Calvin invita Farel à entrer. Malgré sa petite stature et son corps frêle, celui-ci se précipita dans la chambre tel un ouragan. Son visage brûlé par le soleil et ses cheveux roux s’harmonisaient très bien avec sa personnalité fougueuse.
« Monsieur Calvin! », dit-il en lui secouant vigoureusement la main. « Je remercie Dieu de vous voir ici. Vous devez vous joindre à moi dans le travail immédiatement! » « Je ne comprends pas, Monsieur », répondit Calvin. « Je dois quitter Genève demain matin. »
« Non, répliqua Farel, je crains fort qu’il ne puisse en être ainsi. Il est nécessaire que vous restiez ici. La réforme vient tout juste de commencer dans cette ville et j’ai besoin de votre aide. »
« Mais, Monsieur, dit Calvin, je suis un homme qui se consacre à l’étude et à la recherche, pas un pasteur. De plus, je suis trop timide et inexpérimenté pour un tel travail. Je planifie de consacrer mon énergie à l’étude personnelle et à l’écriture. » Refusant d’accepter la réponse négative de Calvin, Farel le supplia de rester pour enseigner les gens et organiser l’Église. Calvin ne changea pas d’avis. Il dit : « Monsieur Farel, mes plans sont fixés. Je dois éviter de m’engager dans d’autres tâches afin de pouvoir étudier et écrire. »
Farel se pencha en avant sur sa chaise, les yeux enflammés. Pointant son doigt vers Calvin, il l’avertit d’une voix très forte :
« Vous ne faites que suivre vos propres désirs et je vous déclare au nom du Dieu tout-puissant que si vous ne nous aidez pas dans le travail que le Seigneur nous a confié, il vous punira d’avoir cherché vos propres intérêts plutôt que les siens. »
Calvin tremblait sur sa chaise, silencieux, en état de choc, frappé de terreur. Il reçut les paroles de Farel comme si elles étaient sorties de la bouche d’un prophète de l’Ancien Testament. Plus tard, il dit : « Je me suis senti comme si Dieu, du haut du ciel, étendait sa main vers moi et me saisissait. » Il accepta de rester à Genève.
Peu après son arrivée à Genève, un débat religieux eut lieu à Lausanne. Les citoyens s’assemblèrent en très grand nombre dans la cathédrale pour écouter la discussion ouverte entre les réformateurs et les représentants catholiques romains. Cent soixante-quatorze membres du clergé catholique romain étaient présents. Farel, principal porte-parole des réformateurs, avait amené Calvin avec lui. Ils débattirent pendant trois jours, mais Calvin ne dit rien.
Farel le poussa et l’encouragea à parler, mais Calvin lui dit : « Vous savez très bien répondre à toutes les questions. Pourquoi devrais-je intervenir? » « Mais vous avez tellement de perspicacité et de connaissance, répondit Farel, c’est une honte que votre timidité vous empêche de les utiliser. »
Le quatrième jour, un prêtre affirma que les écrits d’Augustin et des premiers Pères de l’Église appuyaient les enseignements de l’Église romaine. Pointant son doigt vers les réformateurs, il déclara : « Vous, Messieurs, vous allez à l’encontre des Pères de l’Église. » Farel, qui n’était pas certain de savoir comment répondre, se préparait à balbutier une réponse lorsque soudainement Calvin se leva pour parler. Tous les yeux se fixèrent sur lui.
« Honorez les Pères de l’Église », dit-il en regardant le prêtre droit dans les yeux. « Si vous les lisiez plus attentivement, vous ne parleriez pas de la sorte. » Pendant plus d’une heure, il cita de mémoire des passages entiers des écrits d’Augustin, de Tertullien et d’autres, démontrant que les Pères de l’Église étaient en accord avec les Écritures et les protestants. Il dit : « Jugez par vous-mêmes si nous sommes hostiles aux Pères de l’Église et admettez que vous connaissez à peine ce qu’ils disent. » Lorsque Calvin eut terminé, tous les arguments des prêtres avaient été détruits. Les hommes d’Église se regardèrent les uns les autres, mais personne ne dit un mot. Personne dans l’assemblée n’avait jamais entendu quoi que ce soit de semblable.
Après plusieurs minutes d’un silence gêné, un frère franciscain, sa robe brune retenue à la taille par une corde, s’avança. C’était Jean Tandy, un prédicateur et ennemi juré des protestants.
« Pour faire suite à ce que je viens d’entendre, dit-il, je confesse que j’ai péché contre l’Esprit et que j’ai été rebelle à la vérité. À cause de mon ignorance, j’ai vécu dans l’erreur et j’ai répandu de faux enseignements. Je demande à Dieu de me pardonner et je demande aussi pardon aux gens de Lausanne. Je renonce à mon rôle en tant que frère. À partir de maintenant, je vais suivre le Christ et son pur enseignement uniquement. »
Peu de temps après le débat, plus d’une centaine de prêtres, de moines et de frères devinrent protestants. Lausanne avait été gagnée pour la réforme.
À Genève, Calvin prêchait tous les jours, visitait les malades, conseillait les personnes troublées, organisait l’Église. Il institua une académie et écrivit des commentaires sur la plupart des livres de la Bible. Dans tout son enseignement, il mettait l’accent sur la souveraineté de Dieu en toutes choses, sur son amour pour ses enfants et sur la miséricorde qu’il exerce envers eux. De nombreuses personnes se tournèrent vers Jésus-Christ pour le pardon de leurs péchés et Genève fut transformée. On disait que la prière et le chant des Psaumes ne cessaient jamais dans la ville. Les batailles, les jurons et les blasphèmes, l’ivrognerie et les jeux d’argent disparurent. Un hôpital, des écoles et des maisons pour les pauvres furent bâtis.
Il se trouvait cependant à Genève certaines personnes qui détestaient Jean Calvin et ses enseignements. Il prêchait l’obéissance aux commandements de Dieu. Ses principaux ennemis, qu’on appelait les libertins, voulaient vivre de la manière qui leur plaisait. Ils tirèrent des coups de feu autour de sa maison, lui firent des menaces de mort et le bannirent de la ville pour un certain temps. Du fait que Calvin croyait que seul Christ est le chef de l’Église et que l’Église doit être libre du contrôle de l’État, il était souvent en conflit avec le conseil de ville de Genève. Une crise survint lorsque les membres du conseil décidèrent que ce seraient eux qui détermineraient si une personne excommuniée ou exclue de la table du Seigneur par les dirigeants de l’Église pouvait être restaurée et avoir à nouveau la permission de prendre le pain et le vin. Calvin refusa de donner son accord à cette ingérence dans les affaires de l’Église.
Plusieurs libertins, qui avaient été exclus de la table du Seigneur à cause de péchés scandaleux, se présentèrent un certain dimanche à la cathédrale Saint-Pierre. Ils étaient armés, prêts à participer au repas du Seigneur par la force si nécessaire. Calvin conduisit dans la prière et le chant des Psaumes les gens venus en très grand nombre dans la cathédrale pour adorer Dieu. Il monta ensuite l’escalier en spirale qui conduisait à l’imposante chaire surélevée.
« Dieu nous a fait entrer dans sa famille », dit-il.
« En tant que Père par excellence qui se soucie de ses enfants, il nous donne des aliments pour nous nourrir. C’est ainsi que par son Fils, il nous donne le pain et le vin, le corps et le sang du Christ qui procurent la vie. Mais, ajouta-t-il, cette nourriture spirituelle se transforme en poison mortel pour ceux qui participent indignement à sa table, les conduisant à une ruine plus grande. »
Il termina son sermon en disant : « Je ne donnerai pas le pain et le vin aux personnes à qui l’Église a interdit de les recevoir et malheur à celui qui tentera d’y participer par la force. » Il descendit ensuite et se tint debout devant la table de la communion. Les libertins, l’épée à la ceinture, s’avancèrent, déterminés à participer au repas du Seigneur. Les bras étendus au-dessus de la table, les larges manches de sa robe noire couvrant le pain et le vin, Calvin les regarda droit dans les yeux et dit : « Vous pouvez me briser les bras et vous pouvez m’ôter la vie, mais vous ne pourrez jamais me forcer à profaner la table du Seigneur. » Les libertins s’arrêtèrent, le visage tout rouge, puis se retirèrent dans la honte. Ce fut le silence dans le sanctuaire. Le repas du Seigneur fut célébré dans le plus grand respect et avec une sainte révérence.
Le corps frêle de Calvin souffrait souvent de la maladie, mais rien n’arrêtait Calvin dans la poursuite de son travail. Un jour, alors qu’il était gravement malade, un ami le trouva assis dans son lit en train d’écrire une lettre. « Vous devez vous reposer. Mettez votre travail de côté. »
« Quoi! », s’exclama Calvin. « Voulez-vous que le Seigneur me trouve désœuvré lorsqu’il viendra? » Alors qu’il était couché, mourant, son dernier visiteur fut son vieil ami Guillaume Farel. Calvin lui dit : « Guillaume, le Christ est notre récompense dans la vie et dans la mort. » Les écrits de Jean Calvin continuent à conduire les pécheurs à Jésus-Christ et à instruire les chrétiens dans les vérités les plus profondes de la Bible.