Quelques considérations sur l'homosexualité
Quelques considérations sur l'homosexualité
Les repères énoncés ci-dessous sont en grande partie repris d’une étude du professeur de théologie Éric Fuchs, de l’Université de Genève1. Bien que ne partageant pas tous ses présupposés théologiques, je trouve ses remarques instructives.
L’enseignement biblique sur la création est confirmé par Jésus (Mt 19; Mc 10) qui conclut son enseignement ainsi : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. »
« Or, la gravité de cet engagement conjugal est aujourd’hui singulièrement minimisée. […] L’exigence de fidélité est vécue comme une mise en cause de la liberté. […] Le mariage n’est plus une affaire familiale ou sociale, mais le résultat d’un choix personnel dont les époux sont les seuls responsables. »
Au principe de la recherche de l’épanouissement personnel s’ajoute l’augmentation considérable de la durée de la vie qui allonge le temps probable de la vie commune. « Devant une évolution aussi rapide et profonde, les Églises sont prises au dépourvu. » Deux sujets imposent leur questionnement : le divorce (en Suisse, un divorce pour deux mariages…) et l’homosexualité.
Je cite Éric Fuchs :
« Dans la tradition biblique, la sexualité est décrite d’une part comme le don fait par le Créateur à l’être humain pour mettre en échec sa solitude (“Il n’est pas bon que l’homme soit seul” Gn 2.18) et la mort (“Soyez féconds et remplissez la terre” Gn 1.28), et d’autre part comme le lieu d’une expérience malheureuse toujours possible, celle de l’esclavage du désir (“Tu seras avide de ton homme et lui te dominera”, Gn 3.16). L’homme et la femme se désirent et se craignent. La différence sexuelle, voulue par le Créateur (Gn 1.27), est donc reconnue comme positive; elle définit l’être humain comme appelé à se réaliser par son rapport à un autre, l’autre sexe étant la figure emblématique de l’altérité à laquelle chacun doit se confronter pour exister vraiment. Mais la différence ouvre aussi sur l’inconnu. Elle est ainsi la cause d’une peur, d’un jeu de pouvoir angoissant, chaque sexe se sentant menacé par l’autre.
Dans cette perspective biblique, l’homosexualité est comprise comme l’une des conséquences les plus significatives de la peur inconsciente de l’altérité. […] Ce qui manque (selon cette anthropologie biblique) à la relation homosexuelle, ce n’est pas l’amour que deux êtres du même sexe peuvent parfaitement éprouver (l’amour avec tout ce que cela signifie de fidélité, d’engagement réciproque et de confiance mutuelle), ce qui manque, c’est l’expérience du déplacement radical que la différence sexuelle symbolise.
Si l’Écriture affirme avec force que l’être humain est un homme et une femme, jamais l’un sans l’autre (Gn 1.27), et qu’il est ainsi à l’image de Dieu, c’est que la différence entre l’homme et la femme n’est pas accidentelle et qu’il ne faut pas chercher à la réduire puisqu’elle est du même ordre que celle qui distingue Dieu de l’être humain. Elle doit donc être respectée comme la condition de la vie juste et de la transmission de celle-ci. […] Ce sont les deux raisons qui expliquent pourquoi l’homosexualité est récusée par la tradition biblique : impossibilité de manifester la valeur symbolique de la différence dans son rapport avec la différence Dieu–être humain, et impossibilité de répondre à la vocation créatrice de la sexualité (l’enfantement). […] De là découle la condamnation de l’homosexualité, répétée à plusieurs reprises (Lv 18.22; 20.13; Rm 1.26ss; 1 Co 6.9; 1 Tm 1.9ss). »
Après cette approche, Éric Fuchs présente des éléments qui doivent permettre, selon lui, de dépasser l’enfermement moral.
Pour cela, il différencie la morale (qui est nourrie par la loi de Dieu et par les évidences de l’expérience, avec le risque du moralisme ou le légalisme) et l’éthique dont la finalité est « l’exigence du respect absolu de la personne d’autrui »… « C’est ce qui a conduit les Églises protestantes à accepter le divorce lorsque ce respect des personnes n’était plus assuré. » Éric Fuchs présente le Sermon sur la montagne comme la correction d’une démarche morale (« Vous avez appris… ») par une démarche éthique (« Mais moi je vous dis… »). Il trouve la même démarche chez l’apôtre Paul quand celui-ci dissocie l’appartenance religieuse ou politique (Juif ou Grec), sociale (esclave ou homme libre) et sexuelle (homme ou femme) de celle que nous avons « en Christ ». « Dans l’Église, le seul marqueur de l’identité est la foi en Christ. »
« Dès lors, le message de l’Église ne peut négliger ni la responsabilité morale ni l’exigence éthique. […] Il est nécessaire de maintenir la tension existant entre ces deux pôles de sens. Oublier l’un, c’est absolutiser l’autre, c’est-à-dire tomber dans un fanatisme sans amour ou dans une indifférence sans reconnaissance de l’altérité d’autrui. »
Note
1. Dans le livre Turbulences, les Réformés en crise. Éditions Ouverture, Suisse, 2011, p. 183ss.