L’homme esclave du péché
L’homme esclave du péché
La création de l’homme, sa chute et sa corruption
« Nous croyons que Dieu a créé l’homme de la poussière de la terre et qu’il l’a fait et formé à son image et à sa ressemblance, c’est‑à‑dire bon, juste et saint. L’homme pouvait, par sa volonté, se conformer à la volonté de Dieu en toutes choses. Cependant, alors qu’il occupait cette position d’honneur, l’homme ne l’a pas appréciée et n’en a pas reconnu l’excellence. En prêtant l’oreille à la parole du diable, il s’est volontairement soumis au péché et, par conséquent, à la mort et à la malédiction, car il a transgressé le commandement de vie qu’il avait reçu. Par son péché, il s’est séparé de Dieu, qui était sa vraie vie, et il a corrompu toute sa nature. Il s’est ainsi rendu passible de mort corporelle et spirituelle.
Étant devenu méchant, pervers, corrompu dans toutes ses voies, l’homme a perdu tous les dons excellents qu’il avait reçus de Dieu. Il ne lui en est resté que de petites traces, qui sont toutefois suffisantes pour le rendre inexcusable. En effet, tout ce qui est lumière en nous est changé en ténèbres, comme l’Écriture nous l’enseigne lorsqu’elle dit : “La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas accueillie” (Jn 1.5), passage où l’apôtre Jean appelle les hommes “ténèbres”.
C’est pourquoi nous rejetons tout ce que l’on enseigne au sujet du libre arbitre de l’homme qui soit contraire à tout cela, car l’homme n’est qu’esclave du péché et ne peut rien faire sans que cela ne lui soit donné du ciel. Qui, en effet, peut se vanter de pouvoir faire de lui‑même quelque bien que ce soit, puisque le Christ dit : “Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire” (Jn 6.44)? Qui peut se glorifier de sa propre volonté, sachant que “les tendances de la chair sont ennemies de Dieu” (Rm 8.7)? Qui peut parler de sa connaissance, puisque “l’homme naturel ne comprend pas les choses de l’Esprit de Dieu” (1 Co 2.14)? Bref, qui peut oser prétendre concevoir quoi que ce soit, sachant que nous ne sommes pas “capables de concevoir quelque chose comme venant de nous‑mêmes, mais [que] notre capacité vient de Dieu” (2 Co 3.5)? C’est pourquoi ce que dit l’apôtre doit, à juste raison, demeurer sûr et certain : “C’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant” (Ph 2.13). En effet, ni la compréhension ni la volonté ne peuvent être conformes à celles de Dieu si le Christ ne les a pas produites, tel qu’il nous l’enseigne lorsqu’il dit : “Sans moi, vous ne pouvez rien faire” (Jn 15.5). »
Confession de foi des Pays-Bas, article 14
- Qu’est-ce que le « libre arbitre »?
- Bref historique de la controverse
- Nous sommes par nature esclaves du péché
- Nous dépendons entièrement de la grâce de Dieu
Nous avons déjà vu que l’homme a été créé juste, saint et bon, à l’image de Dieu, mais qu’il est devenu corrompu dans tout son être après l’entrée du péché. L’homme naturel est par conséquent incapable de se tourner à nouveau vers Dieu. Nous sommes devenus par nature esclaves du péché. Telle est la conclusion du dernier paragraphe de l’article 14 de la Confession de foi des Pays-Bas :
« C’est pourquoi nous rejetons tout ce que l’on enseigne au sujet du libre arbitre de l’homme qui soit contraire à tout cela, car l’homme n’est qu’esclave du péché. »
1. Qu’est-ce que le « libre arbitre »?⤒🔗
La question du libre arbitre ou de la libre volonté de l’homme est l’un des sujets qui ont été les plus débattus dans l’histoire de l’Église. Ce sujet a occasionné bien des confusions et des malentendus. Il est important de définir correctement les termes que nous employons. La foi réformée a souvent été accusée de déterminisme et de considérer que l’homme est une machine ou un robot. L’usage de l’expression « libre arbitre » peut facilement prêter à confusion.
Dans un sens, l’homme a perdu sa liberté morale. Dans un autre, il conserve toujours sa volonté, bien qu’elle soit devenue entièrement corrompue. Après la chute, l’homme possède toujours la liberté de choisir ce qui lui plaît, en accord avec les dispositions et les tendances de son cœur. La Bible nous enseigne que nous demeurons des agents moraux responsables de nos choix. L’homme naturel n’est pas forcé ou contraint de faire ce qui serait contraire à ses désirs et ses inclinations. Il fait réellement ce qu’il choisit de faire de manière spontanée et responsable. Cependant, la question est de savoir si l’homme naturel possède encore le désir et la disposition du cœur de choisir librement la volonté de Dieu pour son salut.
La réponse fondée sur la Bible que les réformés ont donnée est la suivante. Depuis la chute, nous n’avons plus cette liberté de choisir entre le bien et le mal. L’homme naturel ne peut pas aimer les choses de Dieu. Il est irrésistiblement enclin à pécher. Il est devenu esclave du péché. Il refuse de rechercher le bien et prend plaisir au mensonge et au mal. L’homme ne peut pas lui-même se convertir à Dieu ni, une fois converti par la puissance du Saint-Esprit, continuer de suivre Dieu autrement que par la grâce. Toute capacité que nous aurions de nous tourner vers Dieu et de faire le bien vient uniquement de la grâce de Dieu en Jésus-Christ et de la puissance régénératrice du Saint-Esprit.
2. Bref historique de la controverse←⤒🔗
Ce sujet avait déjà été débattu aux 4e et 5e siècles. Pélage, moine breton, enseignait que l’homme était capable par nature de choisir le bien. Il croyait que l’homme était capable de s’améliorer lui-même. D’après lui, les gens pèchent parce qu’ils suivent de mauvais exemples et non parce qu’ils sont pécheurs par nature. Nous ne péchons pas parce que nous sommes pécheurs, nous sommes pécheurs parce que nous péchons. En suivant le bon exemple de Jésus-Christ, nous pourrions nous améliorer et vivre sans péché.
Augustin s’est vivement opposé aux idées de Pélage. Augustin enseignait que nous sommes pécheurs par nature et que nous avons absolument besoin de la grâce de Dieu pour revenir à lui et être sauvés. Le Concile d’Orange (529) a rejeté l’erreur de Pélage, mais par la suite le catholicisme romain a fusionné l’enseignement de Pélage et d’Augustin. On s’est mis à enseigner que l’homme naturel est pécheur, mais qu’avec l’aide de la grâce, il peut quand même coopérer à son salut. Sa volonté serait seulement affaiblie.
Au temps de la Réformation, cette question a de nouveau été vivement débattue. Érasme de Rotterdam enseignait que l’homme avait un libre arbitre le rendant capable de choisir Dieu. Luther s’est opposé aux idées d’Érasme dans son traité sur « le serf-arbitre ». Luther enseignait que notre volonté est devenue esclave du péché incapable par elle-même de se tourner vers Dieu. Calvin a enseigné la même chose contre Pighius. Pour répliquer aux réformateurs, le Concile de Trente (1542-1563) a déclaré que la libre volonté de l’homme déchu n’est pas du tout anéantie, mais qu’elle est seulement affaiblie. Au 17e siècle, ce fut au tour d’Arminius et des arminiens à croire au libre arbitre de l’homme. Le Synode de Dordrecht a répondu à cette erreur en déclarant que l’homme naturel a perdu sa libre volonté de choisir Dieu et qu’il est devenu esclave du péché.
Encore aujourd’hui, cette question fait l’objet de controverses. Si la croyance dans le libre arbitre est tellement tenace, ce n’est pas parce que la Bible manque de clarté à ce sujet, mais plutôt parce que notre cœur pécheur est rempli d’orgueil. Nous cherchons toujours à demeurer indépendants de Dieu et nous refusons de nous en remettre entièrement à la grâce souveraine de Dieu.
3. Nous sommes par nature esclaves du péché←⤒🔗
L’article 14 cite plusieurs passages de la Bible pour montrer que « l’homme n’est qu’esclave du péché » et que le libre arbitre est une fausse doctrine. En voici la preuve par les Écritures.
« L’Éternel connaît les pensées des humains! Elles sont vaines! » (Ps 94.11).
« En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave du péché » (Jn 8.34).
« Ne savez-vous pas que si vous vous livrez à quelqu’un comme esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché qui conduit à la mort, soit de l’obéissance qui conduit à la justice? Mais grâce à Dieu, après avoir été esclaves du péché, vous avez obéi de cœur à la règle de doctrine qui vous a été transmise » (Rm 6.16-17).
Les hommes naturels sont des pécheurs sous la domination du péché, incapables de choisir le bien. Ils ont cependant toujours la possibilité de choisir ce qu’ils font le samedi après-midi ou durant leurs vacances. C’est comme une voiture sans freins dans une pente. La descente est inévitable, il n’y a pas de libre choix permettant de remonter la pente. Le conducteur a cependant le choix de tourner vers la gauche ou vers la droite. Il exerce sa volonté à l’intérieur de contraintes qui l’empêchent de remonter la pente et même d’arrêter la descente.
Une fois engouffré dans le péché, Adam (et l’humanité avec lui) a perdu sa capacité d’exercer sa volonté d’une manière qui aime Dieu et qui plaise à Dieu. Étant donné notre nature corrompue, nous pouvons seulement choisir de faire des choses qui plaisent à Satan. Nous le faisons cependant sans être forcés ou contraints de l’extérieur. Dans un sens, l’homme naturel choisit « librement » le mal, parce que son choix correspond à sa nature corrompue. Dans un autre sens, il est esclave du péché et ne peut faire autrement que de choisir de faire le mal. Toute inclination de son cœur et toute disposition de son âme sont contraires à la volonté de Dieu.
« Qui peut se glorifier de sa propre volonté » (art. 14), « car les tendances de la chair sont ennemies de Dieu, parce que la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle en est même incapable. Or ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent plaire à Dieu » (Rm 8.7-8).
Nous voyons le mal se manifester partout dans notre monde. Malgré tous les développements technologiques dont nous bénéficions, nous sommes incapables de construire un monde paisible, sécuritaire et harmonieux. Toute invention permet de nouveaux développements et procure de nouveaux conforts, mais apporte en même temps de nouvelles occasions à l’homme de manifester son esclavage au péché. L’homme demeure cependant responsable de ses mauvais choix.
4. Nous dépendons entièrement de la grâce de Dieu←⤒🔗
La seule solution à la misère de l’homme se trouve dans la puissance de Dieu. Sa puissance rédemptrice est proclamée dans l’Évangile de Jésus-Christ. C’est uniquement lorsque le Seigneur, dans sa grâce, change notre cœur et nous régénère par la puissance de l’Esprit Saint que nous sommes transformés et rendus capables de revenir à lui. L’homme « ne peut rien faire sans que cela ne lui soit donné du ciel » (art. 14).
En voici encore la preuve par les Écritures. « Éternel, tu mets en nous la paix, car tout ce que nous faisons c’est toi qui l’accomplis pour nous » (És 26.12). « Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel » (Jn 3.27). Il n’est pas possible pour l’homme de faire quelque bien que ce soit pour son salut sans la grâce de Dieu.
« Qui, en effet, peut se vanter de pouvoir faire de lui‑même quelque bien que ce soit, puisque le Christ dit : “Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire” (Jn 6.44)? » (art. 14).
L’homme ne peut s’attribuer le mérite d’aucune œuvre bonne qu’il accomplirait. Même les quelques restes de l’image de Dieu qui demeurent encore dans l’homme naturel ne peuvent pas lui permettre de parvenir à la connaissance de Jésus-Christ pour son salut.
« Qui peut parler de sa connaissance? » (art. 14), puisque « l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge » (1 Co 2.14).
Cette complète dépendance à l’égard de la grâce de Dieu ne se limite pas aux non-chrétiens. Les croyants également, qui ont reçu la vie nouvelle, ne peuvent continuer dans la voie du Seigneur que par sa grâce. En effet, l’apôtre Paul affirme ceci au sujet de sa mission apostolique :
« Non que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, mais notre capacité vient de Dieu » (2 Co 3.5).
« C’est pourquoi ce que dit l’apôtre doit, à juste raison, demeurer sûr et certain : “C’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant” (Ph 2.13) » (art. 14).
La puissance du Saint-Esprit nous a transformés de telle sorte que notre volonté peut à nouveau se tourner vers Dieu afin de commencer à lui plaire.
« En effet, ni la compréhension ni la volonté ne peuvent être conformes à celles de Dieu si le Christ ne les a pas produites, tel qu’il nous l’enseigne lorsqu’il dit : “Sans moi, vous ne pouvez rien faire” (Jn 15.5) » (art. 14).