20. L’alliance et la régénération
20. L’alliance et la régénération
- La régénération présumée
- La promesse de la régénération
- Le danger de la suffisance
- « Une alliance contient deux parties »
- La régénération dans les confessions réformées
- La régénération : le commencement d’une nouvelle vie
- La régénération : un changement radical
- Le moment de la nouvelle naissance
- La conversion quotidienne
- Lutte et triomphe
C’est notamment en lien avec le baptême des enfants que des questions ont été soulevées en ce qui a trait à la relation entre l’alliance et la régénération. Le problème de la régénération fut au premier plan de la dispute ecclésiastique des années 1940 et 1950 aux Pays-Bas et sur le continent américain. Je débuterai ce chapitre par un petit résumé de ces controverses.
1. La régénération présumée⤒🔗
Dans les années 1940, les questions litigieuses tournaient autour de la relation immédiate entre le baptême et la régénération. Tout le monde comprenait et acceptait le fait que le baptême et la régénération étaient d’une manière ou d’une autre liés. Dans la formule pour le baptême, les Églises réformées déclarent que « … nous ne pouvons avoir accès au royaume de Dieu à moins d’être nés de nouveau. C’est ce que l’immersion dans l’eau, ou son aspersion, nous enseigne1 ». Nous devons tous être nés de nouveau.
Les désaccords apparurent lorsque le Dr Abraham Kuyper, théologien et homme d’État hollandais, introduisit une nouvelle théorie pour expliquer comment le baptême et la régénération étaient liés. Remarquant que tous les enfants baptisés ne viennent pas à la foi, Kuyper en déduisit que dans le cas des enfants non repentants le baptême ne fonctionnait pas. Puisque l’œuvre de Dieu ne peut faillir, et puisque cette œuvre inclut l’institution du baptême, comment expliquer cette difficulté évidente? Dieu avait-il finalement failli? Le baptême était-il déficient?
Kuyper ne parvenait pas à croire que le baptême lui-même puisse être inefficace, puisque Dieu est souverain et tout-puissant. Le baptême authentique, en déduisit-il, doit mener à la régénération. Il en conclut que ceux qui ne sont pas venus à la foi ont reçu le signe extérieur, mais pas la puissance de régénération intérieure. Dans leur cas, le signe était insignifiant. Seuls ceux qui, plus tard, montraient des preuves d’une nouvelle naissance avaient reçu le baptême authentique.
Cela mena à de nouvelles spéculations. Kuyper enseignait l’existence de deux alliances, une alliance extérieure (regroupant tous ceux qui étaient membres de l’Église) et une alliance intérieure (composée uniquement des élus). Seuls les élus atteindraient la régénération et seraient sauvés. Kuyper désirait prendre un point de départ positif pour tout le monde et affirma que tous les enfants devaient être présentés pour le baptême et présumés être nés de nouveau, jusqu’à preuve du contraire. Le fondement du baptême était alors la régénération présumée. En résumé, il y avait deux alliances et deux baptêmes : l’un efficace, pour les élus; l’autre insignifiant, pour les non-élus.
Cette théorie est clairement non biblique. La Parole de Dieu enseigne que le baptême doit être administré non sur la base d’une présomption, mais sur la base d’une promesse, à savoir que Dieu conclut son alliance avec les croyants et leurs descendants. Il n’y a qu’une seule alliance et qu’un seul baptême (Ac 2.39 : la promesse est pour vous, pour vos enfants; Éphésiens 4.5 : un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême…) La théorie de Kuyper ébranla les fondements soutenant le baptême des bébés. Le sacrement dont le but était de fortifier la foi mena à la place à beaucoup de questionnements et de doutes. Les chrétiens commencèrent à se demander s’ils avaient reçu le baptême authentique ou non.
2. La promesse de la régénération←⤒🔗
Malheureusement, les idées de Kuyper devinrent la doctrine officielle de l’Église lors du synode général des Églises réformées des Pays-Bas. Il en résulta que nombre de ceux qui ne purent accepter le point de vue de Kuyper furent soumis à la discipline et déposés, ou quittèrent les Églises réformées pour former les Églises réformées libérées.
Ces Églises confessent qu’il existe en effet un lien entre le baptême et la régénération, mais pas celui que Kuyper enseignait. Ce lien est plutôt que dans notre baptême la régénération nous est promise :
« Lorsque nous sommes baptisés au nom du Saint-Esprit, Dieu le Saint-Esprit nous assure par ce sacrement qu’il demeurera en nous et fera de nous des membres vivants en Christ, nous transmettant ce qui est à nous en Christ, à savoir la purification de nos péchés et le renouvellement quotidien de notre vie, jusqu’à ce que nous soyons finalement présentés sans souillure au milieu de l’assemblée des élus dans la vie éternelle.2 »
Cette promesse est authentique et en grandissant nous pouvons nous appuyer sur elle et y répondre.
3. Le danger de la suffisance←⤒🔗
De nos jours, très peu de personnes enseignent encore la doctrine de la régénération présumée. Le problème peut aujourd’hui se poser de l’autre côté. Il existe une peur selon laquelle l’accent mis sur l’alliance et sur sa certitude conduise les chrétiens (notamment les jeunes) à être suffisants en ce qui a trait à leur foi et leur conduite. J’ai abordé ce point auparavant, mais cela ne fait pas de mal de remettre le sujet sur le tapis.
À cet égard, nous avons entendu le terme « automatisme », signifiant que des gens pensent être automatiquement sauvés en vertu de la relation d’alliance, peu importe ce qu’ils font. Involontairement peut-être, nous sommes de nouveau en proie à une certaine présomption. La notion de régénération présumée que nous avons combattue dans le passé est-elle revenue pour nous hanter de manière plus subtile? Ceux que ce danger effraie mettent parfois en garde contre le fait de mettre en avant l’alliance, puisque cela peut donner aux chrétiens la fausse assurance qu’ils sont sauvés. À la place, disent-ils, nous devons exhorter les chrétiens à s’efforcer d’atteindre la régénération et à mettre en œuvre leur élection.
Si la critique est que la doctrine réformée rend les chrétiens satisfaits d’eux-mêmes, nous pouvons souligner le fait que cette critique n’est pas nouvelle et qu’elle a reçu une réponse. Le Catéchisme de Heidelberg (24e dimanche, question et réponse 64) demande : « Cette doctrine ne rend-elle pas les gens négligents et sacrilèges? » La réponse est : pas du tout; c’est le contraire qui est vrai. La doctrine réformée, correctement enseignée et comprise, ne rend pas les gens négligents, mais obéissants et actifs pour le service du Seigneur. Ce n’est pas la doctrine qui doit être changée, mais les gens qui ont besoin de se repentir.
Il nous faut nous demander, cependant, si la peur de la complaisance et de l’automatisme possède un quelconque fondement. Approche-t-on les jeunes de la bonne manière? Dans les foyers et à l’Église, met-on uniquement l’accent sur le fait d’être dans l’alliance et pas assez sur la façon de vivre dans l’alliance? Le danger d’une orthodoxie morte, où la vraie doctrine ne s’accompagne pas d’une vie sainte, existe. Les membres des assemblées, y compris les jeunes, sont-ils correctement mis au défi de s’examiner eux-mêmes et de se repentir de péchés particuliers?
Dans l’alliance d’amour, la régénération est nécessaire. Il nous faut devenir de nouvelles personnes. Nous ne devons pas simplement nous contenter d’entendre la promesse de l’alliance, mais nous devons aussi travailler avec cette promesse de jour en jour. Cela fut clairement indiqué lors de notre baptême et nous devons nous le rappeler en vivant et en croissant dans l’alliance.
4. « Une alliance contient deux parties »←⤒🔗
Lors de notre baptême, il a été souligné que l’alliance est une relation de travail. Les promesses de Dieu sont accompagnées d’importantes conditions. Dans le Formulaire pour le baptême des enfants, nous lisons : « Puisque toute alliance contient deux parties, une promesse et une obligation, le Seigneur nous appelle et nous oblige à une nouvelle obéissance…3 » Il s’agit d’une déclaration importante, dont les implications sont souvent négligées lors de discussions houleuses.
L’un peut vouloir souligner la promesse, croyant que l’accent devrait être mis sur ce que le Seigneur Dieu donne réellement dans son alliance. Après tout, une alliance est une relation sur laquelle nous devrions être en mesure de nous appuyer pour bâtir notre vie. L’autre, ayant été témoin de bien des négligences dans l’Église, a le sentiment que l’obligation devrait être mise en avant. Sinon, beaucoup seront éternellement perdus, pensant être sur le chemin du ciel. La foi bon marché doit être contrée par des mesures fortes.
En réalité, ces deux points de vue ne voient qu’une facette, et par conséquent ont tort. Car la promesse et l’obligation ne peuvent être séparées de cette façon. Elles vont ensemble et ne peuvent fonctionner que de concert. Enlevez la promesse, et l’obligation devient impossible. Enlevez l’obligation, et la promesse ne vaut plus grand-chose. Ce n’est que lorsque nous conservons promesse et obligation dans leurs rôles respectifs que nous évitons des dilemmes malsains et prêtant à confusion.
Il me faut ici ajouter quelque chose d’important. Le Formulaire pour le baptême des enfants indique que la promesse vient en premier. Lors de l’administration du sacrement (et c’est à ce moment que l’on fait usage du Formulaire), l’aspect positif est souligné en premier. Un chrétien part toujours de la grâce de Dieu, puisque sans cette grâce nous ne pouvons rien faire. Toutefois, lorsque l’on proclame la promesse, l’obligation doit suivre immédiatement. La grâce nous oblige toujours à servir Dieu conformément à sa volonté. Il nous faut prier sans cesse pour cette grâce.
Nous ne pouvons avoir l’un sans l’autre. J. Kamphuis parle à juste titre d’un « lien indissoluble4 ». Quiconque déraille ici déforme l’enseignement de l’Écriture.
5. La régénération dans les confessions réformées←⤒🔗
Il est ainsi vrai que la régénération est effectivement nécessaire dans nos vies. Mais que signifie précisément ce terme? Tout le monde ne lui attribue pas la même signification. Certains y voient le commencement d’une nouvelle vie, spirituelle, alors que d’autres l’assimilent plutôt au processus continu de la conversion quotidienne. Les confessions réformées utilisent ce terme dans les deux sens.
L’article 24 de la Confession des Pays-Bas, dans lequel nous confessons ce que la Parole de Dieu nous enseigne sur la sanctification et les bonnes œuvres, déclare que « … cette vraie foi, engendrée en l’homme par l’écoute de la Parole de Dieu et par l’opération du Saint‑Esprit, le régénère et fait de lui un homme nouveau ». La foi le régénère (au présent), ce qui est un processus de conversion et de renouvellement quotidien.
Le Catéchisme de Heidelberg mentionne la régénération au 3e dimanche, question et réponse 8, où il est dit que nous sommes absolument incapables d’aucun bien et enclins à tout mal, à moins d’« être régénérés par le Saint-Esprit ». Le passage sur lequel s’appuie cet énoncé est Jean 3.3-5, dans lequel le Seigneur parle de la régénération à Nicodème. Il est ici question du commencement de la vie spirituelle. Plus loin au 33e dimanche, qui traite de la conversion et de la repentance de l’homme, le catéchisme parle néanmoins d’un processus : haïr de plus en plus le péché et vivre conformément aux commandements de Dieu.
Dans les Canons de Dordrecht (Chapitre III-IV, articles 11-13), les mots « conversion » et « régénération » semblent être utilisés indistinctement. Toutefois, dans l’article 12, nous découvrons que la régénération est bien vue comme le commencement d’un processus :
« C’est là [à la conversion] cette régénération si célébrée dans les Écritures, ce renouvellement, cette nouvelle création, ce relèvement d’entre les morts et cette vivification, que Dieu opère en nous et sans nous. »
6. La régénération : le commencement d’une nouvelle vie←⤒🔗
Le terme régénération peut être compris comme une seule et unique opération de Dieu par laquelle nous sommes rendus capables de commencer une nouvelle vie, spirituelle, dirigée vers Dieu. Le baptême montre la nécessité d’une telle régénération. L’apôtre Paul parle dans Tite 3.5 du « bain de la nouvelle naissance, et du renouvellement procédant de l’Esprit saint » (NBS)5. Le mot « bain » fait référence au baptême6. Cela ne signifie pas que le baptême lui-même produit la régénération, car il s’agit d’une chose que seul le Saint-Esprit accomplit. Le baptême nous montre la nécessité de cette régénération et il témoigne de la promesse de cette dernière.
Nous confessons aussi le caractère divin de la régénération au chapitre III/IV des Canons de Dordrecht, article 12. Elle y est appelée « une opération entièrement surnaturelle, très puissante et très douce à la fois, admirable, secrète et ineffable ». Elle est comparée à la création et à la résurrection, actes de Dieu et de lui seul tout aussi puissants et sans égal.
Notre baptême, bien qu’il ne soit pas administré pour sceller une régénération déjà présente, enseigne que la régénération doit suivre et promet que Dieu accordera ce qui est nécessaire. Il s’agit d’une sûre promesse sur laquelle nous pouvons bâtir notre vie. Nous pouvons demander son accomplissement, implorer la miséricorde de Dieu promise dans l’alliance, croire en l’assurance qui nous a été donnée dans notre baptême et employer sérieusement les moyens que Dieu a donnés à son Église et dont le Saint-Esprit fait usage pour opérer la régénération.
Les Canons de Dordrecht, en parlant de « l’usage des moyens » (III/IV, article 17), mentionnent la Parole, les sacrements et la discipline. L’apôtre Pierre fait référence à la puissance régénératrice de la Parole lorsqu’il écrit : « Vous êtes en effet nés de nouveau, non pas d’une semence périssable, mais d’une semence impérissable, par la parole vivante et permanente de Dieu » (1 Pi 1.23; NBS), et il ajoute : « Et cette parole est celle qui vous a été annoncée par l’Évangile. » C’est l’Esprit qui opère la régénération par le moyen de la prédication fidèle de la Parole.
Tout enfant de l’alliance peut être sûr de la promesse de Dieu, mais il est en même temps obligé de faire usage des moyens de Dieu. S’il en fait un usage adéquat et sincère, il verra que Dieu accorde ce qu’il demande.
7. La régénération : un changement radical←⤒🔗
La question de la régénération est mentionnée cinq fois dans le Nouveau Testament. Deux mots différents sont utilisés dans le texte original, mais les deux signifient essentiellement la même chose : être né de nouveau signifie commencer une vie complètement nouvelle. Tout comme la naissance signifie le commencement de la vie naturelle, la nouvelle naissance constitue le commencement de la vie spirituelle. Comme nous sommes nés de la chair, nous devons naître de nouveau, de l’Esprit. Dans aucun des cinq cas, le mot n’est utilisé à l’impératif, comme un ordre; il est toujours énoncé comme une chose devant être une réalité dans la vie du chrétien. La nouvelle naissance est une chose qui doit arriver.
Dans Jean 3.3, nous lisons les paroles du Christ à Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. » Dans Jean 3.5, nous trouvons l’expression « naît d’eau et d’Esprit ». À moins de recevoir cette nouvelle naissance, nous ne pouvons entrer dans le royaume des cieux. Ces paroles montrent que la nouvelle naissance est essentielle pour tous les chrétiens. Remarquez le lien entre l’eau et l’Esprit. Le baptême nous assure de la présence et de l’opération du Saint-Esprit et attire notre attention sur cette présence et cette opération.
Dans 1 Pierre 1.3, nous lisons : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande compassion, nous a fait naître de nouveau, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts » (NBS). Jean et Pierre présentent tous les deux la régénération comme une opération ou un don de Dieu, un don de miséricorde et d’amour. La nouvelle naissance est déterminante : elle change nos vies de fond en comble. Pierre désigne aussi les moyens de régénération dont le Saint-Esprit fait usage : « Vous êtes en effet nés de nouveau, non pas d’une semence périssable, mais d’une semence impérissable, par la parole vivante et permanente de Dieu » (v. 23 ; NBS).
Quel est ce changement que la nouvelle naissance opère? Paul explique que par cette opération de Dieu nous en venons à accepter la Parole de Dieu et apprenons à la comprendre et à l’appliquer : « Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce » (1 Co 2.12).
Nous ne pensons et n’agissons plus comme beaucoup de gens qui ne connaissent pas le Seigneur Jésus ou l’ont rejeté. Nous avons la pensée du Christ (1 Co 2.16). Nous sommes différents et n’en avons pas honte.
8. Le moment de la nouvelle naissance←⤒🔗
L’on pose souvent la question de savoir s’il est possible de connaître et préciser le moment exact de notre nouvelle naissance. Selon ma compréhension, l’Écriture ne s’attarde pas beaucoup sur cette question.
Nous ne nous souvenons pas, par exemple, de notre naissance, mais nous savons que nous sommes nés, parce que nous sommes vivants, nous respirons et nous bougeons. De la même manière, nous savons que nous sommes nés de nouveau, pas forcément parce que nous nous rappelons ardemment le moment exact, mais parce que nous croyons en Christ. Tout comme la respiration est une preuve de la naissance, la foi et ses fruits sont les preuves de la nouvelle naissance.
La question principale que l’on nous pose dans l’Écriture n’est pas : « Êtes-vous nés de nouveau? », mais plutôt « Et vous? [...] qui dites-vous que je [le Christ] suis? » (Mt 16.15). La réponse doit venir du fond du cœur : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16). Si cette foi est réellement en nous, elle n’est pas l’œuvre de la chair et du sang, mais du Saint-Esprit. Cette foi est le résultat de la nouvelle naissance et en portant des fruits elle sera évidente.
Cette évidence ne peut faire défaut. Paul écrit :
« Et l’affection de la chair, c’est la mort, tandis que l’affection de l’Esprit, c’est la vie et la paix; car l’affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu’elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu’elle ne le peut même pas. Or, ceux qui vivent selon la chair ne sauraient plaire à Dieu. Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas » (Rm 8.6-9).
Une fois que nous avons reçu l’Esprit de Dieu, celui-ci nous contrôle. C’est aussi ce qui est souligné à notre baptême et doit être visible lorsque nous croissons :
« Nous devons nous attacher à ce Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit, placer notre confiance en lui et l’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre pensée, et de toutes nos forces. Nous ne devons pas aimer le monde, mais rejeter notre vieille nature et mener notre vie dans la crainte de Dieu.7 »
Cette exigence a été celle de l’alliance de Dieu à travers les siècles. L’alliance d’amour n’est pas fondée sur la nouvelle naissance, mais elle nécessite de manière certaine la nouvelle naissance.
9. La conversion quotidienne←⤒🔗
Comme nous l’avons vu, le terme « régénération » peut indiquer un événement unique. Il doit y avoir quelque part un commencement de vie spirituelle active. Dans le même temps, nous ne devons pas oublier de prendre en compte le fait que la Bible parle aussi de la nouvelle vie du chrétien en termes de croissance. Ceux qui sont régénérés ne sont pas libérés du péché qui habite en eux (Canons de Dordrecht, V, article 1). Ils ne sont plus dominés par le péché, mais ils sont encore influencés par le péché, puisqu’ils n’ont pas encore été libérés « de la chair et de ce corps de péché ».
Par conséquent, la nécessité de la conversion quotidienne doit être soulignée. Tout comme la naissance est suivie des soins apportés à l’enfant et de la croissance, il en va de même pour la nouvelle naissance. Chaque jour, nous devons nous repentir de nos péchés, nous détourner du mal et nous exercer à la piété (1 Tm 4.8).
La Bible utilise deux mots principaux pour parler de conversion. Le premier est le verbe metanoia, signifiant que nous commençons à penser différemment. Nous apprenons à penser d’une manière biblique. Nous commençons à regarder avec les yeux de l’amour. Nous adoptons un nouveau point de vue et une merveilleuse vision. Le second mot, epistrepho, signifie « se détourner du [mal] ». Il implique aussi de se tourner vers Dieu et ses commandements. Nous commençons à agir différemment d’avant, parce que nous avons de nouvelles pensées. Il s’agit d’un processus qui dure tout au long de notre vie. Nous pensons et agissons comme des enfants de Dieu.
La nouvelle naissance est importante, mais ce qui naît de nouveau doit croître spirituellement.
« Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d’après les instructions qui vous ont été données, et abondez en actions de grâces » (Col 2.6-7; voir aussi 2.19).
Je pense aussi à Éphésiens 4.15 : « … nous croîtrons à tous égards en celui qui est le chef, Christ ».
Il faut insister sur le fait que cette entreprise ne nous est pas impossible. Dans notre baptême, nous avons reçu la promesse selon laquelle le Saint-Esprit demeure en nous. Le Saint-Esprit nous transmettra non seulement ce que nous avons en Christ, mais nous accordera aussi le renouvellement quotidien (Jn 14.17). Par la foi, la prière et la vigilance, nous pouvons croître en obéissance et en nouveauté de vie.
Dans Romains 6, l’apôtre Paul explique qu’avec le Christ nous sommes morts au péché. À cet égard, il parle aussi du baptême :
« Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie » (v. 4).
Cette mort au péché et cette résurrection à une vie nouvelle, symbolisées dans le baptême, sont des choses que nous ne devrions pas prendre à la légère. Cela ne se produit pas automatiquement. Dieu nous implique dans ce processus et nous tient responsables dans son alliance. Il faut prier quotidiennement pour avoir la force de lutter contre le péché. L’épître aux Hébreux nous exhorte de la manière suivante : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang, en luttant contre le péché » (Hé 12.4).
Les enfants de l’alliance doivent continuellement prendre des décisions conscientes et concrètes pour servir le Seigneur, pour obéir à ses commandements, pour connaître le Seigneur personnellement et profondément dans son amour et dans sa grâce. Ce n’est pas sans raison que notre Seigneur conclut le sermon sur la montagne par un avertissement : « Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. » Le Christ ajouta : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7.19,21).
Rappelons aussi à cet égard l’exhortation de Paul dans l’épître aux Philippiens : « … mettez en œuvre votre salut avec crainte et tremblement […] car c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir » (Ph 2.12-13). Dans la nouvelle alliance notamment, les attentes de Dieu sont élevées et l’on doit craindre sa colère. La conclusion de l’épître aux Hébreux est :
« C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, montrons notre reconnaissance en rendant à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec piété et avec crainte, car notre Dieu est aussi un feu dévorant » (12.28-29).
C’est ce que Moïse dit déjà sous l’ancienne alliance (Dt 4.24) et cela demeure vrai, plus que jamais, sous la nouvelle alliance.
10. Lutte et triomphe←⤒🔗
La vie d’un enfant de l’alliance est une vie faite de lutte et de triomphe. La lutte est décrite de manière émouvante par l’apôtre Paul dans Romains 7, non comme une excuse pour le péché, mais comme une réalité de la vie. Il s’agit d’une réalité qu’il faut reconnaître, au risque de succomber au désespoir et de voir notre estime personnelle brisée.
Paul écrit : « Nous savons, en effet, que la loi est spirituelle; mais moi, je suis charnel, vendu au péché. Car je ne sais pas ce que je fais : je ne fais point ce que je veux, et je fais ce que je hais » (Rm 7.14-15). Et notez aussi le verset 18 : « Ce qui est bon, je le sais, n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. »
Ces versets ont fait couler beaucoup d’encre notamment autour de la question de savoir si Paul, dans le chapitre 7 de Romains, décrit son état avant ou après sa régénération. Une personne née de nouveau (ce que nous présumons être l’état de Paul lorsqu’il écrivit l’épître aux Romains) peut-elle réellement dire : je suis charnel, vendu au péché? L’objectif de la nouvelle naissance n’est-il justement pas de briser l’esclavage du péché? Paul n’écrit-il pas dans Romains 6.18 : vous avez été affranchis du péché, et dans Romains 8.2 : la loi de l’Esprit de vie m’a affranchi de la loi du péché et de la mort?
Peut-on être à la fois esclave et affranchi? Sommes-nous, comme l’affirma Luther, simul justus et peccator (à la fois justifiés et pécheurs)? Sommes-nous toujours esclaves du péché ou sommes-nous affranchis du péché? Cette question est importante pour les enfants de l’alliance. Elle appelle une réponse claire.
Avec Augustin, Calvin et beaucoup d’autres, je crois que Paul, dans Romains 6 ‒ 8, parle de lui-même comme d’une personne régénérée. Examinons les preuves étayant cette déclaration. Dans le chapitre 6, Paul parle de manière triomphale de la nouvelle vie du chrétien, du fait qu’il est mort au péché et vivant en Christ et reprend de nouveau le thème au chapitre 8, où il parle d’être contrôlé par l’Esprit. Voilà la caractéristique prédominante de la vie chrétienne. Mais dans le même temps, nous trouvons au chapitre 7 une mise en garde prosaïque : nous sommes encore dans ce monde, dans ce « corps de mort » et la lutte contre notre vieille nature est constante. Cet élément fait toujours partie de la vie chrétienne, aussi longtemps que nous sommes sur terre.
Les Canons de Dordrecht nous mettent sérieusement en garde en déclarant que les régénérés ne sont pas affranchis du péché qui habite en eux, qu’ils luttent quotidiennement contre les péchés et la faiblesse et chutent même parfois dans de graves péchés. Cela n’a pas pour but d’excuser le péché, pas du tout. Au contraire, les effets de tels péchés sont dévastateurs : ils offensent Dieu gravement, entraînent une culpabilité mortelle, attristent le Saint-Esprit et rompent le cours normal de l’exercice de la foi. Il peut même arriver que pendant un certain laps de temps nous perdions le sentiment de la faveur de Dieu (Canons de Dordrecht, V, article 5). Mais, en même temps, notre espérance est en Dieu qui promit de demeurer fidèle. Sa promesse ne peut s’évanouir (Canons de Dordrecht, V, article 8). La lutte est la nôtre; le triomphe vient du Christ, en qui nous sommes vraiment « plus que vainqueurs » (Rm 8.37).
Notes
1. Book of Praise, p. 584, trad. Libre.
2. Formulaire pour le baptême, Book of Praise, p. 584, trad. Libre.
3. Book of Praise, p. 589, trad. Libre.
4. An Everlasting Covenant [Une alliance éternelle], p. 58.
5. N. D. T. : Notons que les différentes versions de la Bible utilisent soit le mot « régénération », soit le mot « nouvelle naissance », indistinctement.
6. N. D. T. : La Bible en français courant utilise le mot « baptême » : « Il nous a sauvés et fait naître à une vie nouvelle au travers de l’eau du baptême et par le Saint-Esprit ».
7. Book of Praise, p. 585, trad. Libre.