Le conseil de Dieu - Les décrets de Dieu
Le conseil de Dieu - Les décrets de Dieu
L’Écriture comme telle ne nous donne pas une description abstraite des décrets divins, mais les présente dans leur réalisation historique. Ceci est particulièrement vrai dans l’Ancien Testament.
Le Nouveau Testament projette une lumière encore plus claire sur cette vérité révélée, le vocabulaire suivant le démontre : « boulè », plan, conseil (Ép 1.11); « thélèma », volonté de Dieu comme telle (Ép 1.11); « eudokia », bon plaisir, délice (Lc 2.14; Ép 1.5-9; Ph 2.13; 2 Th 1.11); « prothésis », but, dessein (Rm 8.28; 9.11; Ép 1.11); « prognosis », prescience (Rm 8.28); « éklogê », élection, choix (Mc 13.20; Ac 9.15; Rm 9; 11; Ép 1.4); « proorismos », prédétermination ou dessein éternel (Ép 3.11; 2 Tm 1.9; Ép 1.4).
D’une manière générale, nous divisons les œuvres de Dieu en œuvres internes et œuvres externes. Le conseil de Dieu fait partie de l’œuvre externe de Dieu.
Les qualités personnelles de Dieu sont également celles qui caractérisent les œuvres de Dieu, car elles sont ses œuvres éternelles et immanentes. Elles ne concernent pas quelque chose d’extérieur à lui. Elles sont intérieures à l’être divin et concernent les relations mutuelles des trois personnes. Dieu travaille depuis toute l’éternité.
Les qualités essentielles de Dieu sont celles qui lui appartiennent indépendamment de la création. Par exemple, l’Écriture nous apprend que Dieu était éternellement amour. Ces qualités essentielles sont aussi les qualités de ses œuvres. D’ordinaire, nous distinguons, parmi les œuvres immanentes de Dieu, les œuvres immanentes personnelles et les œuvres immanentes essentielles.
Les œuvres extérieures de Dieu sont ces œuvres par lesquelles est produit tout ce qui est distinct de Dieu. Ce sont les œuvres de la création et de la « recréation ».
Les décrets de Dieu sont, pour ainsi dire, le pont jeté entre les œuvres internes et les œuvres externes. Ils concernent ce qui se réalisera hors de Dieu. C’est pourquoi sont-ils appelés des œuvres « externes ». Ils sont également des œuvres immanentes et éternelles. Le décret de la création n’est pas la création elle-même.
Selon l’Écriture, tout se passe dans le monde créé selon la volonté éternelle de Dieu.
Dans l’Ancien Testament, le conseil de Dieu se développe au cours de l’histoire selon un plan fixe. Ce conseil est nommé expressément comme le fond de tout ce qui existe : « J’annonce dès le commencement ce qui doit arriver, et longtemps d’avance ce qui n’est pas encore accompli; je dis : Mes arrêts subsisteront, et j’exécuterai toute ma volonté » (És 46.10). Tout ce qui existe et se passe est une réalisation de la pensée de Dieu et possède son fondement dans le conseil éternel de Dieu (voir Gn 1; Jb 28.27; Ps 33.11; 104.24; 139.16; Pr 8.22; És 14.24-27; 42.9; 44.24).
Le Nouveau Testament rend plus clair encore ce point : À Dieu sont connues toutes ses œuvres depuis toute éternité (Ac 15.18). Même un passereau ne tombe pas sur la terre sans la volonté de notre Père qui est dans les cieux (Mt 10.29). Dieu est celui qui fait toutes choses d’après le conseil de sa volonté (Ép 1.11, voir aussi Ac 2.23; 4.28; Rm 8.28-30; 9.11, etc.).
Les qualités suivantes caractérisent le conseil de Dieu.
1. Éternel (voir És 42.9; Ac 15.8). « En lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde » (Ép 1.4). Dieu n’est pas dépendant du temps, mais domine ce qui s’y passe par son décret éternel. L’éternité de Dieu n’est pas un temps infiniment allongé. Elle implique que Dieu transcende tout ce qui existe temporellement. L’éternité divine et le temps ne sont donc pas deux lignes dont la plus longue pendant un certain temps serait parallèle à la plus courte. Cependant, Dieu ne transcende pas seulement le temps. Son éternité est immanente dans le temps, car il est le Seigneur du temps. Dieu domine le temps. En lui, il n’y a pas un avant et un après comme c’est le cas chez nous, les humains, créatures soumises au temps. L’éternité de Dieu n’est pas une succession de moments. Le conseil éternel de Dieu n’est pas non plus un projet mis à portée de la main quelque part et qui, après cela, attendrait l’exécution. Le conseil de Dieu est sa décision éternellement active; il est le Dieu voulant et décrétant lui-même. Il n’est pas une chose contingente en Dieu, mais comme la volonté éternellement active il est un avec son essence. Il est un acte éternellement continuant et éternellement achevé comme la génération éternelle.
Cela implique que les choses temporelles, qui ont été chez Dieu de toute éternité, sont liées dans une unité étonnante bien qu’elles se dispersent dans le temps. Nous ne pouvons pas saisir cette unité qui existe dans le conseil de Dieu.
2. Libre (Mt 11.26; Rm 9.11,20,21; Ép 1.11). Dieu n’est pas déterminé par des motifs qui lui sont extérieurs. Le conseil de Dieu est son « eudokia », c’est-à-dire son bon plaisir.
3. Sage. Le conseil de Dieu est libre, mais cela ne signifie pas qu’il est capricieux. Il est déterminé par l’essence de Dieu. C’est pourquoi le conseil de Dieu est sa « boulè », une volonté déterminée par l’intelligence. Aussi est-elle sage (Ps 104.24). Nous ne saurons rien des motifs du conseil de Dieu si ce n’est ce qu’il veut bien nous révéler.
4. Immuable (És 46.10; Ps 33.9-11; Hé 6.17). L’immutabilité de Dieu n’exclut pas que Dieu entre en diverses relations avec le monde. Par exemple, il peut se faire déterminer par notre prière, quoiqu’il reste toujours le même. L’immutabilité de Dieu est celle du Dieu vivant. Ceci explique que son conseil n’est jamais l’équivalent d’une fatalité.
5. Effectif. L’Éternel des armées a pris cette décision : Qui s’y opposera? Le conseil de Dieu n’est pas seulement l’exemple, mais aussi la cause de tout ce qui existe.
Naturellement, le conseil de Dieu, étant en Dieu qui décide lui-même, a toutes les qualités que Dieu possède. Nous traiterons ici des plus importantes.
Le conseil de Dieu est sa décision éternelle relative à tout ce qui se passera dans le temps.
Le mot « conseil » montre l’unité de tous les décrets de Dieu. Le mot « décrets » au pluriel désigne qu’un conseil se réalise dans le temps dans une série d’événements.
Le conseil de Dieu concerne aussi le péché.
De nombreux textes bibliques appuient cette affirmation. Par exemple : Dieu envoie un esprit de mensonge (1 R 22.23; 2 Ch 18.22). Il excite David par Satan (2 S 24.1; 1 Ch 21.1); il appelle Nébucadnetsar et Cyrus ses serviteurs (2 Ch 36.22; Esd 1.1; És 44.28; 45.1, etc.). Les Assyriens sont la « verge de sa colère » (És. 10.5). Il livre le Christ à ses ennemis (Ac 2.23; 4.28). Dieu s’occupe des temps et des demeures des païens (Ac 17.26). Sa volonté se révèle dans la perdition de Judas (Jn 17.12), dans l’abandon des païens à l’impureté (Rm 1.24), dans l’endurcissement des impies (Rm 9.18), etc.
Il n’est donc pas permis de dire que le péché se passe en dehors de la volonté de Dieu. Cependant, nous ne dirons pas que Dieu soit l’auteur du péché. Il veut le mal d’une autre façon que le bien. Nos bonnes œuvres sont déterminées d’une autre façon que nos péchés. Nous ne pourrons raisonner cela, seulement le constater parce que nous savons que le gouvernement de Dieu n’exclut pas notre culpabilité.
La théologie réformée a parlé de la permission de Dieu par rapport au péché. Dieu permet que nous péchions. Ce mode d’expression a sa valeur, car elle désigne que nos péchés ne sont pas l’objet de la volonté de Dieu, comme c’est le cas pour le bien. Cependant, nous ne pouvons pas comprendre cette permission de Dieu d’une manière négative. Dieu n’est pas le spectateur de nos œuvres. C’est pourquoi la théologie réformée parle de permission active. Ainsi, l’expression ne dit-elle pas beaucoup plus que le seul fait que Dieu ne veut pas nos péchés comme il veut nos bonnes œuvres.
D’ailleurs, une permission négative ne résoudrait pas le problème. Quelqu’un qui peut empêcher un désastre, mais qui ne le fait pas est coupable aussi bien que celui qui cause un désastre positivement. Celui qui cherche une solution dans la permission négative doit tomber dans l’idée d’un Dieu impuissant à empêcher le péché.
Par la foi, nous savons que Dieu ne peut pas être l’auteur du péché qu’il hait. Nous n’avons pas d’autre réponse à cela sinon celle de l’apôtre Paul, si quelqu’un tient Dieu responsable de nos péchés. À une telle accusation Paul répondait : « Ô homme, toi qui es-tu pour contester avec Dieu? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé : Pourquoi m’as-tu fait ainsi? » (Rm 9.20). L’apôtre ne veut pas discuter de cette question. Il nous fait sentir notre infériorité envers Dieu. Pensons-nous que nous puissions scruter Dieu? Cette idée est absurde.
Il est donc impossible de trouver une réponse satisfaisante. Il nous est même interdit d’essayer de trouver une place harmonieuse pour le péché et le mal dans le gouvernement de Dieu, car la loi qui régit le péché est l’effet de la colère de Dieu. Nous nous garderons de chercher la cause du péché et ses conséquences en Dieu, si nous prenons au sérieux la colère de Dieu. La reconnaissance de notre culpabilité limite notre raisonnement. Il ne s’agit donc pas ici d’une incompréhensibilité neutre de Dieu. Nous n’admettrions pas notre culpabilité si nous voulions interpréter plus profondément. Cependant, le fait que Dieu est d’une façon inintelligible le Seigneur du péché est une grande consolation. Car nous savons que Dieu règne aussi dans les péchés des hommes. Les hommes sont au-dedans des limites de la toute-puissance de Dieu, même s’ils croient pouvoir résister à Dieu. Dieu emploie le péché des hommes pour atteindre ses buts.
Le conseil de Dieu n’exclut pas notre responsabilité.
Le conseil de Dieu n’est pas une fatalité, avons-nous déjà dit. Nous ne pourrions pas maintenir la réalité de notre culpabilité si nous devions interpréter le conseil de Dieu à la façon des déterministes. Selon la Bible, le conseil de Dieu était accompli par la vente de Joseph : cet acte était quand même un péché (Gn 45.8). Les Chaldéens ont péché par leur pillage d’Israël (Ha 2). Pourtant, ils ont été envoyés par Dieu (Ha 1.6). Dieu a décidé la mort du Christ. Cependant, les Juifs sont coupables (Ac 2.23). Dieu veut les choses, mais l’homme les fait. Le conseil de Dieu et notre responsabilité ne s’excluent pas. Au contraire, nous n’aurions pas la possibilité d’agir librement et de façon responsable si Dieu ne nous l’avait pas donnée dans son conseil. Il n’y a pas de sens unique. Nos bonnes œuvres et nos péchés influencent Dieu, comme nos prières. L’Écriture parle du repentir de Dieu. Nous ne devons pas comprendre les choses temporelles comme étant simplement une révélation du décret éternel. Nos décisions temporelles ont vraiment une influence. Cela apparaît très clairement dans la croix du Christ. La croix du Christ ne nous révèle pas une disposition qui existerait en Dieu abstraction faite de la croix. La croix est vraiment la cause de notre réconciliation avec Dieu. Dieu ne serait pas notre Père sans ce fait historique de la mort du Christ.
Pourtant, cette relation vivante entre Dieu et sa créature, le fait que le conseil de Dieu est le Dieu vivant et décidant lui-même, n’empêche pas que toutes choses se passent dans le monde selon le conseil de Dieu et que nous pouvons parler (heureusement!) de l’immutabilité du conseil de Dieu. Nos œuvres n’affaiblissent pas la souveraineté de Dieu.
Non seulement la punition, mais aussi la culpabilité a sa place dans le décret de Dieu comme une culpabilité véritable. La cause et les effets, la condition et l’accomplissement, tout le rapport des choses sont établis dans le conseil de Dieu comme ils le sont dans la réalité que nous voyons. Le péché, la culpabilité, la misère, la punition ont dans le conseil de Dieu la même nature et les mêmes relations réciproques qu’ils ont dans la réalité. La relation entre Dieu et le monde est telle que la science et la volonté de Dieu n’anéantissent pas la liberté des créatures, mais elles la créent et la maintiennent.
Nous distinguons dans le conseil de Dieu le décret général et le décret spécial.
Généralement, on parle à ce propos de providence générale. Notre thème dans ce chapitre est cependant le décret général, nous réserverons un autre chapitre à la providence. Rappelons simplement qu’autrefois la notion de providence était employée au sujet du conseil de Dieu. Actuellement, le terme de providence est réservé pour désigner l’acte de conservation lui-même. Le conseil de Dieu concerne tout ce que Dieu a créé. En parlant du décret spécial à côté du décret général, on entend le décret de Dieu concernant les actes moraux. Le décret spécial a pour objet les actes moraux.
Nous distinguons encore le décret spécial et le décret « specialissimum » ou prédestination.
Le décret spécial concerne les actes moraux en général. Le décret « specialissimum » concerne particulièrement le conseil de Dieu touchant l’état éternel des créatures raisonnables et concernant la voie qui les conduit. On distingue l’élection et la réprobation. Ces distinctions ne signifient pas qu’il y a en Dieu trois conseils. Elles désignent seulement les différents objets du conseil de Dieu. Nous faisons ces distinctions pour montrer la richesse du conseil de Dieu.