Jean 3 - Une vie nouvelle
Jean 3 - Une vie nouvelle
« Il faut que vous naissiez de nouveau. »
Jean 3.7
« Il faut que vous naissiez de nouveau », dit Jésus à son visiteur Nicodème. Celui-ci ne s’attendait pas à un tel renversement de situation. Il est venu vers Jésus estimant que son propre savoir était suffisant pour l’aborder. Il s’était adressé à lui en tant que Rabbi, c’est-à-dire en tant qu’un spécialiste de la religion. Il semblait presque disposé à offrir à son hôte un certificat dûment validé, avec le sceau de son autorité. Nicodème pouvait en effet se prévaloir et de sa personne et de sa position sociale. Pharisien en vue, chef du peuple, appartenant aux hautes classes de son pays…
Nonobstant toutes ses bonnes intentions, Nicodème est mis au pied du mur. Jésus, soudain, oriente l’attention de son interlocuteur vers un point nouveau, totalement étranger à ses préoccupations religieuses antérieures. L’Évangile nous donne un détail de cette entrevue. Il nous est dit que Nicodème « était venu de nuit ». Ce n’était pas nécessairement par crainte des juifs que cette éminente personnalité venait à une heure aussi tardive. C’était chez les rabbins une habitude que de discuter jusqu’à une heure tardive de la nuit. Mais le mot « nuit » est quand même révélateur de toute une condition humaine à laquelle Nicodème le rabbi n’échappe pas. Nuit est un mot sinistre, dans le langage des Évangiles. Il est synonyme de ténèbres spirituelles.
Or, il n’y a de véritable lumière qu’en Jésus, la seule qui puisse vraiment éclairer les ténèbres où tâtonnent les hommes. C’est pourquoi la connaissance religieuse de Nicodème ne se trouve pas dans une situation avantageuse. Son savoir est du domaine de la vie naturelle et du côté des ténèbres. Comme tout homme, Nicodème est un sujet du royaume de la chair, cette chair qui est la condition de tout homme en face de Dieu. Elle n’est pas simplement notre existence physique, mais elle indique encore toute notre faiblesse, notre vulnérabilité et, hélas!, notre révolte contre Dieu aussi. Notre vie, aussi évoluée soit-elle et dans ses expressions les plus diverses, dans sa faculté de raisonner, dans sa capacité morale ou même dans sa philanthropie, manifeste le fait que nous demeurons des créatures chamelles.
La religion, si elle est uniquement l’expression de la volonté de l’homme qui se suffit à lui-même et qui se passe de Dieu, est à son tour une religion naturelle et condamnée. Le savant docteur de la loi ignorait qu’il puisse exister une autre réalité, celle que l’Évangile appelle la vie éternelle. Pour accéder à celle-ci, il faut une naissance nouvelle. Certes, Nicodème ne manque pas de sérieux; bien au contraire, il avait donné la preuve qu’il était réfléchi, sincère, honnête et en quête de la vérité. Il était sincère comme le sont tant d’autres autour de nous, lorsqu’ils parlent de religion et de Dieu. Mais toute tentative de connaître Dieu par soi-même est vouée à l’échec, car elle est extérieure et étrangère à Dieu. La religion et la morale sont nulles, si elles n’ont pas été renouvelées par celui qui en est le seul fondement et le seul initiateur.
Peut-on naître de nouveau? C’était là le problème de Nicodème, et je ne doute pas qu’il soit aussi le nôtre. Christ ne nous suggère pas une évolution de la chair vers l’esprit. Il commande un dépassement, une rupture; il accorde l’entrée dans la vie nouvelle, qui est la participation même à la vie de Dieu. De cette vie nouvelle, nous avons un aperçu plein et suffisant dans la vie de Jésus-Christ. C’est pourquoi notre nouvelle naissance est liée à la vie — et surtout à la mort — de notre Seigneur, car à l’impératif de la nouvelle naissance s’ajoute aussi celui de la mort, combien terrible et dramatique, de Jésus-Christ. Aussitôt après avoir parlé de cette nécessité, Jésus annonce la nécessité de sa propre mort : « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé… comme le serpent d’airain dans le désert. »
C’est pour nous la condition sine qua non de la vie nouvelle et éternelle. Le baptême d’eau auquel Jésus fait allusion, avec celui de l’Esprit, est le signe et le sceau qui témoigne de cette naissance, mais qui ne la produit pas. Les rites sont nécessaires pour notre marche dans la foi, les signes et les symboles peuvent nous aider à mieux saisir les réalités spirituelles, mais elles ne les remplacent pas. « Il vous faut naître de nouveau », dit Jésus. Notre baptême d’enfant, notre profession de foi d’adolescent ou notre participation à la vie cultuelle de notre Église ne nous dispensent pas de cette naissance-là. Sans elle, nous restons en dehors du Royaume de Dieu. Malgré notre religion et notre religiosité, il y a des risques de ne pas saisir le sens profond de notre appartenance à Dieu. Or, celui qui nous commande la nouvelle naissance n’est autre que le Fils de Dieu. Il en a payé le prix sur la croix, où il est mort afin que nous vivions.
Comment pouvons-nous nous rendre compte de cette naissance? Elle se manifeste chaque jour et n’est pas confinée à une expérience du passé dont nous devrions nous rappeler sans faute la date et le lieu. Elle produit la vie nouvelle qui se manifeste chaque fois que nous nous tournons vers Dieu en abandonnant la chair, en résistant à la tentation et en combattant le mal sous toutes ses formes, aussi bien dans notre vie individuelle que dans notre vie communautaire…
Déchirer les vieilles outres, faire craquer les moules de notre vie et de tout ce qui s’oppose à Dieu et à son plan de salut et de libération autour de nous, voilà ce qui atteste notre nouvelle naissance. Pendant ces temps difficiles que nous vivons avec les autres hommes, devant les menaces de toutes sortes, devant l’ampleur des catastrophes et en présence de la haine et de l’injustice, face aux oppressions morales, matérielles et physiques, il nous est demandé de vivre chaque jour de telle manière que l’amour et la justice de Dieu soient aperçus dès à présent aux yeux des hommes par la nouveauté de vie que nous mènerons.
Car la vie éternelle n’est ni une utopie ni une théorie abstraite. Elle est la vie vraie, qui agit concrètement et qui fonctionne dès maintenant. Devant la mort et devant l’angoisse des mourants, il nous faut proclamer que la destinée de tout homme se trouve entre les mains de Dieu, et que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meure pas, mais qu’il ait la vie éternelle.